ESPACE ADHÉRENTS

« Nous entrons dans un isolement où nous confondons la connexion avec le lien »

Entretien avec François Saltiel

Article apparu le 22 janvier 2021 sur le quotidien Reporterre



Confinements et couvre-feu nous poussent à passer de plus en plus de temps derrière nos écrans et à dématérialiser nos relations sociales. Une situation qui permet aux Gafam de renforcer leur emprise, nous explique le spécialiste des réseaux sociaux François Saltiel, qui nous incite à leur résister.

En limitant encore plus les interactions sociales, le couvre-feu à 18 heures sonne le retour des longues soirées devant l’écran et des apéros en distanciel. Que se passe-t-il quand nos interactions sociales ne passent quasiment plus que par le numérique ?
François Saltiel est journaliste à 28 Minutes (Arte) et auteur de La Société du sans contact. Auteur de Selfie d’un monde en chute (Flammarion, 2020), il alerte sur les risques de cette société de plus en plus désincarnée.

Reporterre — Vous aviez commencé à travailler sur ce sujet avant la pandémie de Covid-19. Pourquoi ?

François Saltiel — J’ai une chronique d’analyse des réseaux sociaux et des effets des nouvelles technologies dans 28 Minutes, sur Arte. Il s’en dégageait un fil rouge, qui est cette notion d’éloignement. Elle est perceptible dans tous les domaines : l’amour, le travail, l’amitié ou même la vie quotidienne, par exemple, lorsqu’on cherche son chemin, on prend l’habitude d’utiliser un GPS plutôt que de le demander à quelqu’un, cela met les gens à distance les uns des autres.
Et cela conforte un modèle économique. Les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) vivent de notre temps d’attention et plus on passe du temps devant un écran, mieux ils se portent. Et si on reste chez nous toute la journée, cela fait leur affaire.

C’est alors que la pandémie de Covid-19 et le premier confinement sont arrivés…

La logique était déjà celle du distanciel, le confinement n’a fait qu’accélérer ce mouvement. Le sans contact est devenu le maître mot, il a pénétré dans des bastions qui étaient jusque-là préservés, je pense notamment à l’enseignement. Des universités comme Cambridge (l’université a annoncé que tous ses cours se dérouleraient uniquement en ligne pendant un an) en ont profité pour en faire une norme.

La question est : que va-t-on garder de tout cela ? Dans certains domaines, il n’y aura peut-être pas de retour en arrière. Par exemple, pour le cinéma, les films vont désormais sortir en même temps sur les plateformes en ligne et dans les salles. Aller dans une salle cinéma, c’est un déplacement, une communion, c’est sentir le souffle de la personne à côté. Mais, quand vous pouvez voir le même film en trois clics depuis votre canapé, ferez-vous encore le déplacement ?

On se dirige vers une forme d’isolement dans laquelle nous confondons la connexion avec le lien. Le lien humain, c’est être en face l’un de l’autre, prendre le risque de la spontanéité, ne pas contrôler la relation. De plus en plus, les smartphones sont utilisés non pas pour appeler, mais pour envoyer des messages et donc mettre à distance, prendre du temps pour réagir. Les jeunes ont de plus en plus de mal à avoir des échanges en direct. C’est la théorie de Sherry Turckle

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